Édito de la Tribune Libre #43 (PDF, 246 Ko)
Août 2011
Auteur : Jacques FLOCH
En écoutant la conférence de Valérie Rabault*, ou plutôt la présentation de son livre « Les trentes glorieuses sont devant nous »** écrit en collaboration avec l’économiste-statisticienne Karine Berger, mes sentiments balançaient entre ces deux extrêmes.
Il est vrai que depuis tant d’années « les sachants » nous répètent sur tous les tons que notre économie est dépassée, non réformable. Ils ajoutent trop souvent que ce n’est pas de leur faute mais la faute à la mondialisation.
Qu’est-ce que la mondialisation ? Des marchés financiers essentiellement spéculatifs, des pays émergeants exploiteurs de leurs populations ? Les raisonnements, multiples, méritent des développements longs et surtout contradictoires, ce qui est rarement le cas. Abreuvée de ces refrains l’opinion publique en est infestée.
Alors entendre un autre son de cloche, écouter un autre discours, fort bien fait, devient un plaisir dont on a du mal à se lasser. Pour un peu certain diront qu’on peut s’y laisser prendre et perdre le sens de l’analyse, de la précaution. Cet autre discours nécessite évidement un éveil, une volonté de recherches, non pas pour démonter le contenu mais simplement pour en tirer le meilleur profit.
De cette conférence je reste acquis à l’idée conduisant à un modèle économique, donc social, culturel qui assure un équilibre entre les besoins individuels et la capacité collective à mieux distribuer les résultats des productions. Jean Fourastié dans son ouvrage « Les trente glorieuses » qu’il date de 1945 à 1975 a réussi à démontrer comment notre pays (et les citoyens qui y habitent) a su faire de l’individualisme un moteur : tous les besoins exprimés et satisfaits au mieux conduisant à un « meilleur vivre ». La règle étant le partage collectif des progrès et des gains qui en sont issus par une puissance publique responsable de la meilleure équité à défaut d’égalité.
Ce consensus semble ne plus exister, l’image dominante est que si progrès il y a, le partage n’est plus le même. Les bénéfices sont confisqués par quelques-uns, ceux qui, à 40 ans ont une Rolex au poignet. Ce fait en engendre un autre : l’inacceptation de l’impôt comme un élément de concertation citoyenne et surtout comme une nécessité pour maintenir un niveau convenable de fonctionnement des services publics. Mais s’ajoute aussi un autre message qu’il faut prendre en compte : ne pas se laisser berner par le leurre de la non croissance sous prétexte que ce mythe serait le seul moyen de défendre le devenir de la planète. Cette proposition émane trop souvent de ceux qui ont « la bouche pleine ».
Tous ceux qui sont au seuil de pauvreté ou en dessous, ou plus prosaïquement proches des revenus médians, n’ont pas envie de voir la planète se désagréger, se gangréner mais aimeraient certainement profiter des bienfaits de l’éducation, de la santé, de la culture ou simplement être mieux nourris ou mieux logés. Ce type de consommation n’étant pas un ensemble de « futilités ».
L’optimisme déraisonnable conduit à imaginer qu’une croissance raisonnable n’est pas un cancer sociétal mais peu aider à un équilibre de vie collective support du bonheur individuel – oui les trente glorieuses sont devant nous si l’on veut s’en donner la peine.