Par Jacques CROCHET, Président de l’Institut Kervégan
Ces journées noires de Janvier 2015 nous auront marqués à jamais. Nous avons été violemment agressés dans notre vision du monde, et ébranlés dans nos convictions et nos valeurs.
Le Samedi 9 janvier à Nantes, bon nombre d’entre nous ont manifesté dans le silence et la dignité notre rejet du fanatisme et de la peur. C’était un appel à la solidarité, à la tolérance et à la défense de la liberté d’expression, en dehors de toute récupération politique. Cette manifestation et toutes celles qui se sont déroulées dans d’autres villes, au delà d’une unité nationale affichée, ne peuvent se limiter à une indignation légitime dénonçant un attentat contre la liberté de parole et de pensée. Il s’agit désormais de concrétiser cette émotion, et passer à la décision et au courage.
Notre démocratie et ses valeurs sont menacées. Ce réveil des consciences doit donc se prolonger par une réflexion impliquant tous les acteurs de notre société. Travaillée par les tensions, elle est de plus en plus fragmentée. Ses constituants repliés sur eux mêmes sont de moins en moins ouverts à la solidarité. Il est urgent de recréer du lien social et d’affirmer un noyau dur de valeurs et d’aspirations communes à tous.
Notre République, dont nous partageons les valeurs, risque devenir une nostalgie. L’école ne joue plus son rôle de réducteur des inégalités sociales. Beaucoup de jeunes ont perdu toute confiance dans l’intégration par le travail, même si l’entreprise demeure aujourd’hui le seul creuset social efficace en la matière. Nos institutions publiques souffrent d’une crise de confiance sans précédent.
Plus que jamais il est nécessaire de revivifier notre démocratie et redéfinir ce qui constitue notre bien commun de valeurs et de principes. Il faut les faire respecter, sans angélisme, ni amalgame, mais en restant ferme sur les principes. Pour cela la police et l’armée ne peuvent pas tout. Il faut afficher une vraie politique de la responsabilité du citoyen.
La Société Civile doit jouer pleinement son rôle dans la réflexion à mener pour relancer le débat démocratique.
Notre Tribune a recueilli les témoignages de membres sensibilisés à ces problèmes, qui ont tenu à réagir à ces évènements qui nous touchent. Il est évident que l’Institut Kervégan est particulièrement soucieux du respect de la liberté d’expression.
Nous restons très attachés à l’exigence de débats et réflexions libres, pluralistes et honnêtes intellectuellement, et qui dépassent l’émotion, même légitime, et le conformisme.
Aussi nous n’occulterons pas dans nos futurs débats des questions suivantes :
- Faut-il rogner nos libertés individuelles pour garantir nos libertés publiques ?
- Comment ne pas opposer liberté et sécurité, et éviter le risque d’une société de suspicion ?
- Le respect de la croyance peut il entraver la liberté d’expression ?
- Laïcité et dialogue avec les religions…
Sur ces sujets, et d’autres, nous sommes conscients que notre société est partagée. Dans le respect de toutes les convictions, nos travaux de réflexion devront s’attacher à clarifier, expliquer, démystifier. Nous le devons aux victimes de l’intolérance et du fanatisme.
»Ils voulaient nous réduire au silence, ils n’auront obtenu qu’une minute ».