Un groupe de 6 membres s’est réuni régulièrement afin de produire une analyse sur la situation de l’habitat inclusif en Loire Atlantique et ses enjeux à travers un diagnostic (réalisé en collaboration avec 7 étudiants en master de l’Institut de Géographie et d’Aménagement de l’Université de Nantes) et l’organisation d’une table ronde.
Enjeu majeur de réponse au vieillissement de la population et à l’insertion sociale des personnes en situation de handicap ou de précarité, l’habitat inclusif se définit par une diversité grandissante de propositions et de solutions dans les territoires.
Actuellement des solutions existent mais se révèlent très insuffisantes face aux défis sociétaux posés. La dimension de la vie au quotidien et du cadre de vie, la relation du logement au quartier, au bourg, au territoire n’y sont pas suffisamment prises en compte. C’est bien un ensemble de réponses urbaines et surtout sociales, de liens relationnels privilégiés, d’offres nouvelles de services et d’inclusion qui restent à tisser pour réussir l’habitat pour tous.
En appui du diagnostic réalisé par les étudiants de l’Institut de Géographie et d’Aménagement Régional de l’Université de Nantes à la demande de l’Institut Kervégan dans le cadre de son groupe de réflexion sur l’habitat inclusif, la table-ronde convie une diversité d’acteurs à échanger sur leurs solutions d’habitat inclusif et le chemin qui reste encore à parcourir pour aller vers une inclusion sociale réussie.
Au-delà de la définition et de l’utilité sociale de ce type de logement mais aussi des aspects techniques de conception et de faisabilité économique, financière, architecturale…, l’enjeu est aussi territorial avec une nécessaire meilleure répartition de l‘offre sur le territoire notamment dans les petites villes et territoires ruraux.
C’est en questionnant la vie quotidienne à travers les usages et les pratiques des habitants, de la relation de leur logement à l’environnement extérieur que nous essaierons de comprendre l’apport social de l’habitat inclusif au bien-être sociétal et au développement territorial.
Définition / genèse de l’habitat inclusif
L’habitat inclusif est un mode d’habitat regroupé destiné aux personnes en situation de handicap et aux personnes âgées. « Chaînon manquant » situé entre le domicile ordinaire et l’institution, c’est un élément prometteur dans la transition inclusive de la société.
Pour lutter contre l’isolement et répondre aux besoins de cette population qui souhaite habiter « chez elle », les nouvelles formes d’habitat expérimentent, explorent et inventent afin d’apporter des solutions alternatives. C’est le cas notamment de l’habitat intergénérationnel ou bien la colocation. L’habitat inclusif se démarque et s’inscrit alors dans cette démarche en étant un habitat accompagné, partagé et inséré dans la vie locale.
Cette offre de logement a émergé suite à la loi ELAN de 2018 qui fixe le cadre et prévoit les financements de ce type d’habitat. Elle apparait aujourd’hui comme une offre prometteuse génératrice d’initiatives et apporte une nouvelle manière de « bien vivre ». L’habitat inclusif, tel que défini dans la loi, permet aux personnes en situation de handicap, aux personnes âgées ou vieillissantes d’occuper à titre de résidence principale un logement. Ce mode d’habitation regroupé dispose d’espaces communs, de rencontre autour d’un projet de vie sociale et partagée définit par un cahier des charges élaboré au plan national. Un logement qui répond aux conditions d’occupation du collectif social. Ce projet permet aux occupants de décider de leur propre rythme de vie tout en étant entourés et aidés par leurs proches dans un environnement capacitant. Ils sont aidés et accompagnés par des animateurs de vie sociale et partagée mais également du secteur médico-social.
Malgré les résultats déjà prometteurs de l’implantation de ce type d’habitat, des questions restent en suspens quant au développement de ce type d’habitat et de nombreuses barrières restent à franchir. C’est autour de trois grands questionnements que l’Institut Kervégan a voulu éclairer ces problématiques et apporter sa contribution :
– Comment les propositions d’habitats inclusifs répondent aux besoins grandissant de populations vieillissantes ou en situation de handicap ?
– Comment peut-on développer des projets permettant de mieux vivre ensemble ?
– Comment ces projets visent à mailler le territoire y compris dans les communes rurales et les petites villes ?
C’est à travers la réalisation d’un diagnostic mené par 7 étudiants en Master 1 de l’IGARUN, la rencontre d’experts et de porteurs de projets que l’Institut Kervégan propose d’apporter quelques éléments de réponses.
Retour sur le Diagnostic : « l’habitat inclusif en Loire Atlantique
Avec :
– Béatrice Chaudet, enseignante-chercheuse à l’Institut de Géographie et d’Aménagement Régional de l’Université de Nantes.
– Léa Lecanu, Martin Le Clainche et Laura Noulleau : représentants du groupe d’étudiants auteurs du diagnostic :
Ce diagnostic montre que le développement de l’habitat inclusifs en Loire Atlantique est en progression. Cependant il met en avant un déséquilibre dans la répartition de son offre. En effet, la majorité de ces projets se situent en milieu urbain (métropole) alors qu’il existe de nombreux territoires ruraux ou petites villes ayant le potentiel pour développer ce type de projet. C’est en rencontrant des porteurs de projets et des collectivités comme Pornic ou Herbignac, qu’il apparait que le prix et la disponibilité du foncier sont les principaux obstacles à leur implantation. Ces problèmes résident en partie dans la complexité du jeu d’acteur et la diversité des parties prenantes.
Le diagnostic révèle toutefois un réel potentiel des territoires dans le développement de nouveaux projets. Cette perspective est établie grâce à l’utilisation d’un indicateur, spécifiquement créé pour les besoins de cette étude. Il permet de localiser les communes adaptées à l’accueil d’habitats inclusifs en réalisant une analyse du territoire par son potentiel d’inclusion. Cet indicateur, confronté aux résultats des entretiens réalisés par les étudiants, met en lumière des clefs pour aller vers un rééquilibrage territorial.
- Voir la vidéo de présentation du diagnostic et de son outil : l’indicateur du potentiel inclusif du territoire (IPIT) :
La parole des acteurs de l’habitat inclusifs en Loire Atlantique
- Ombeline ACCARION, conseillère départementale, Vice-présidente aux Personnes en situation de handicap et à l’autonomie
- Joffroy Verdier, coprésident des Ecossolies à l’initiative du Laboratoire de l’Habitat Inclusif
- Aurélie VIGOUROUX, responsable Développement et Innovation, Direction Développement et Innovation chez Atlantique Habitations
Les acteurs ont réagi aux résultats de l’étude et plus spécifiquement à l’opportunité qu’offre l’indicateur du potentiel inclusif des territoires. Ils se sont également exprimés sur la question du financement, du foncier, de l’accompagnement des porteurs de projets.
Ils ont répondu dans un second temps au sujet des freins au développement de ce type d’habitat : comment être encore plus présent sur le territoire ? Les intervenants pointent notamment l’importance du rôle de l’habitat inclusif dans l’animation d’une communauté, dans la vie sociale. Il s’agit d’un habitat hybride qui ne rentre pas dans les cases existantes. Chaque projet est différent et expérimentale. Chacun nécessite une façon d’avancer différemment dans leur réalisation. Il est également souligné l’importance de leur impact en termes d’emploi. En effet, des nouveaux métiers s’inventent autour de l’animation de quartiers ou de territoires. Leur rôle est de créer du lien entre ces types d’habitat et l’extérieur.
- Voir la vidéo des échanges entre acteurs de l’habitat inclusif :
Un exemple de projet d’habitat inclusif à Grand Auverné
- Avec l’association de famille porteur du projet « Maison Villeneuve », le maire de Grand Auverné et le futur gestionnaire VYV3.
Présentation de la genèse du projet né en 2018 en cours de réalisation porté par des parents de jeunes en situation de handicap. L’objectif premier est de créer leur maison, dans le prolongement de leur espace familiale en dehors des structures médico-sociale ou des institutions avec la spécificité d’implanter cet habitat en milieu rural. Cette dernière volonté marque les premiers obstacles à surmonter. A l’époque, pour le département ou l’ARS Grand Auverné ne rentre pas dans les cases. C’est grâce au soutien du Maire, Sébastien CROSSOUARD que le projet a pu être porté et est aujourd’hui dans sa phase de construction. Pour le gestionnaire VYV 3, ce projet n’était également pas une évidence. Les ressources offertes par le territoire : mobilité, services, santé, n’étaient pas suffisantes. Cependant des éléments ont pu faire pencher la balance, on compte néanmoins des atouts : une forte dynamique de la mairie et de l’association de famille ainsi que des habitants de Grand Auverné qui ont permis de compenser les freins à l’accès au transport avec des associations de transports solidaire ou encore l’implantation d’un jardin collectif et sensoriel ouvert au public permettant de créer cette mixité sociale et cette ouverture aux autres. L’aménagement même du logement est spécifique et permet d’accueillir dans des espaces partagés des activités communes, repas et soins.
- Voir la vidéo de présentation du projet d’habitat inclusif de Grand Auverné :
- Questions/réponses autour du projet d’habitat inclusif du Grand Auverné :
Pour conclure : L’habitat inclusif doit être l’affaire de tous
La population dans toutes sa diversité doit pouvoir être en mesure de choisir un lieu de vie qui lui correspond.
Il faut retenir que l’habitat inclusif est un modèle qui comprend à la fois le logement individuel, des espaces communs et une ouverture vers l’extérieur, vers l’environnement local à travers un projet social.
Il est à souligner également l’importance d’arriver à une certaine équité dans leur répartition sur le territoire afin qu’ils puissent répondre aux demandes dans toutes leurs spécificités.
L’habitat inclusif peut réellement apporter un mieux vivre ensemble. Au-delà de solution de logements adaptés pour une population spécifique, il peut être vecteur de développement et de dynamisme de territoires avec l’ambition d’une vie sociale épanouie pour tous.