Débat avec Jean-Marc Ayrault

Jean-Marc Ayrault ou les confessions d’un euro-réaliste

© Thibault Dumas

Germanophile établi, l’ancien locataire de l’hôtel de Matignon puis du quai d’Orsay, ne s’affiche pas pour autant en europhile habité. Devant une centaine de personnes, au Crédit Mutuel LACO, à Nantes, il a distillé son euro-réalisme, de la monnaie unique à la crise des migrants, en passant par le Brexit.

À ce moment précis – le seul de la soirée peut-être – il y eu comme un flottement. Quelques regards se détournent, des mâchoires se crispent. « En Europe, l’idée fédéraliste est tout à fait minoritaire. Même si elle est défendue par certains au Parlement européen (et il faut les soutenir), je ne la sens pas acceptable par les peuples européens », appui Jean-Marc Ayrault.

Et l’ancien maire de Nantes, 23 ans durant, de convoquer une figure tutélaire. Pour rassurer son auditoire, ou simplement être conforme à sa pensée et son action passée ? « N’imaginons pas que nous allons supprimer les États-nations, nous devons continuer sur cette voie originale de la fédération européenne d’États-nations, selon la formulation de Jacques Delors, pas toujours mis en œuvre malheureusement. Il faut la pousser jusqu’au bout. »

Application concrète avec la zone euro, qui nécessiterait un budget et un ministre des finances propres – la chancelière allemande Angela Merkel n’a pas totalement fermé la porte à cette proposition française. Une philosophie différente de celle exprimée par le Président Emmanuel Macron, selon un spectateur avertit, « L’approche du discours de la Sorbonne, est celle d’une souveraineté surplombante ».

Les fondamentaux face au doute

Sans lyrisme, Jean-Marc Ayrault préfère, lui, relever la solidité de l’Union européenne. Hier secouée par la crise des dettes souveraines partie de Grèce – à sa nomination comme Premier ministre, en 2012, certains de ses interlocuteurs prédisaient une disparition imminente de l’Euro – et aujourd’hui embarquée dans le divorce avec le Royaume-Uni. « Le doute s’est installé dans le projet européen, le Brexit en est le symptôme. Mais jusqu’ici les 27 [autres États membres] ont tenu bons dans les négociations. ».

Expérience de terrain à l’appui, il juge acceptable l’accord migratoire entre l’Allemagne et la Turquie (négocié pour le compte de l’UE) mais « critiquable voire contestable » celui de l’Italie avec la Lybie. Aux inclinaisons xénophobes et autoritaires qui agitent l’est de l’Europe, Pologne et Hongrie en tête, face aux flux des exilés du nord de l’Afrique et du Moyen-Orient, l’UE doit répondre en restant fidèle à elle-même.

« Il ne faut rien céder sur les principes fondateurs de la démocratie et de l’État de droit. Certains pensent que c’est secondaire, je pense qu’il faut que ce soit en haut de la pile de nos préoccupations ». Un peu plus tôt, l’ex Ministre des Affaires étrangères, néo retraité de la politique, avait subtilement glissé : « Les peuples européens ont encore la mémoire des conflits du XXe siècle. Pour l’instant. »


Par Thibault Dumas, journaliste.

Le débat en photos

Table ronde : la pollution des jardins nantais

Photos : © Thibault Dumas.

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