« L’urgence de passer à une nouvelle étape de la décentralisation »
Les 9 et 10 septembre 2021, l’IK a été convié aux journées nationales de France Urbaine, l’occasion de nous assurer que nos thématiques de travail sont au cœur des problématiques soulevées par les Métropoles.
Les débats furent particulièrement intéressant, notamment la séance plénière du 10 matin avec en point d’orgue la venue du 1er Ministre Jean Castex.
Voici quelques éléments qui ont retenu notre attention :
Johanna Rolland, Présidente de Nantes métropole a introduit la journée en rappelant à quel point la crise du COVID avait démontré le besoin de services publics forts et en cela, le rôle majeur des collectivités territoriales. Les métropoles sont au cœur des grands enjeux, il est donc essentiel de penser à l’«après-crise» appelant de ses vœux une république plus proche de ses territoires et plus décentralisée. L’un des axes majeurs des politiques sera la question sociale et plus particulièrement le sujet de la précarité des jeunes. L’enjeu sera financier : avec la crise, l’épargne nette des collectivités s’est effondrée, s’ajoutant à cela la perte d’autonomie fiscale, une situation qui a engendré un affaiblissement de la capacité à investir. Il est donc urgent de penser à un nouveau contrat entre l’état et les collectivités, de penser besoins avant compétences.
Plusieurs experts sont intervenus à l’occasion d’une table ronde, pour exposer les enjeux d’un changement de paradigme pour l’après COVID :
Trois changements de paradigmes sont en œuvre justifiant les besoins de renforcement de cohésion entre les territoires :
- Une révolution numérique qui crée de nouvelles opportunités pour les villes de taille intermédiaire ;
- Une révolution de la proximité avec l’apparition d’une nouvelle forme de risque de ségrégation sociale ;
- Une révolution écologique avec les villes au cœur des solutions.
Hélène Peskine, architecte urbaniste, a ensuite insisté sur le rôle des villes dont les ambitions sont contradictoires : « On lutte contre au lieu de lutter pour ». Dans ce contexte, le rôle des élus est difficile. La solidarité territoriale est fondamentale pour être volontariste sans exclure personne.
Catherine Sabbah, déléguée générale de l’IDHEAL est ensuite intervenue sur la marque laissée par le COVID sur la conception des villes. Un nouveau regard se porte sur nos logements notamment avec la généralisation des visio-conférences. En rappelant que « la plus petite cellule de la ville est le logement », à l’instar du corps humain, si la plus petite cellule souffre, l’organisme entier est en danger. Une attention maximale doit être portée sur le logement qui est le reflet de ce que l’on veut montrer de soi. La crise n’est pas nouvelle, depuis plus de 40 ans le logement pèse de plus en plus sur les revenus des ménages et cela pour une raison simple : Tous les acteurs de la chaîne, à l’exception du primo accédant, ont intérêt à ce que les prix montent. Une vigilance doit être portée car les habitants pourraient se « rebiffer » à l’instar des gilets jaunes. L’une des solutions serait de définir de nouveaux critères de qualité pour le logement et d’associer encore plus les habitants dans la conception, c’est en premier lieu à la collectivité de l’organiser.
Isabelle Baraud-Serfaty, spécialiste en économie urbaine a ensuite exposé un nouveau modèle éco-urbain. Il est pour elle indispensable que les systèmes trouvent de nouveaux équilibres car dans le système actuel où les interdépendances sont multiples, le risque de grippage est important d’autant que les changements induits par le numérique et l’exigence écologique sont nombreux (comme dans le cas des gilets jaunes avec la hausse du prix de l’essence). Toutes ses interdépendances doivent être soigneusement identifiées. De nouveaux acteurs émergent avec un rôle important comme les acteurs numériques (Amazon, Uber, Deliveroo, Doctolib ou encore le Bon Coin qui est devenu l’opérateur majeur de l’économie circulaire). Parmi ces acteurs, les tiers acteurs associatifs vont aussi jouer un rôle important. Il faudra donc une transition des modes d’actions publiques dans sa gouvernance en intégrant ces acteurs mais aussi en repensant le modèle financier des collectivités en lien avec les nouveaux systèmes qui se mettent en place.
Dans le débat qui s’en est suivi, il fut mis en avant le fait que nous étions probablement sortis de l’ère des grands projets SRU qui ont structuré les métropoles. Les projets devront être beaucoup plus « pointilleux et différenciés » en visant à ne pas exclure ceux qui ne font pas parties des projets à force de les détourer. Sur la question des ressources qui s’applique au cœur de cette thématique du logement, il conviendra de donner davantage de valeur à ce qui n’en a pas ou peu aujourd’hui (un paysage, une vue…).
Il fut également mis en avant que les recettes fiscales des nouveaux logements sont de moins en moins abondantes, au point de se demander s’il faut encore en construire ? Les politiques foncières devront être de plus en plus anticipatives avec des collectivités qui doivent rester fortes et exigeantes en matière de logement en lui donnant une large place dans le débat public. Le paradigme s’est désormais inversé : « la nature est rare est l’homme est abondant » ce qui rend possible la transition financière en regardant plus en amont et en aval les propositions de valeurs. Cela passera par un raisonnement davantage focalisé sur les actifs plutôt que sur les flux avec des gisements de valeur ; à titre d’exemple le trottoir.
Enfin, les intervenants ont insisté sur l’importance d’une territorialisation des plans de relance par exemple sur les questions de santé sur lesquelles les collectivités ont un impact majeur. La question des inégalités devra être remise également au cœur des sujets.
La seconde table ronde réunissait des personnalités politiques :
Tout d’abord Martine Vassal, Présidente de la métropole d’Aix-Marseille-Provence, a souhaité rappeler que même si la collectivité territoriale est indispensable, elle n’en subit pas moins toutes les nouvelles lois. Les lois doivent mettre le citoyen au cœur des préoccupations avec un esprit de confiance comme « maître mot ».
Nathalie Appéré, Présidente de Rennes Métropole a insisté sur l’importance de dépasser le clivage entre urbain et périurbain. En effet, désormais tout le monde a un rapport à la ville. Aussi, résoudre les problématiques urbaines c’est s’adresser à tous. Ainsi, il faut travailler avec les territoires ruraux qui entourent les villes pour des sujets fondamentaux comme l’alimentation, les déplacements… C’est pour cette raison que l’inter-territorialité est au cœur des travaux de France Urbaine. Il ne faut plus partir des compétences mais penser plus large en fonction de ce que la collectivité veut faire. Enfin, Nathalie Appéré est revenue sur le sujet de l’autonomie fiscale dont doivent bénéficier les collectivités car in fine elles sont responsables.
Grégory Doucet, Maire de Lyon, souhaite que les métropoles deviennent des lieux de recherche et de massification des transitions écologiques notamment en termes de mobilité. Concernant la transition écologique, la gouvernance doit changer, les EPCI doivent avoir le pouvoir d’agir. A ce propos il insiste : « si la Région coordonne, c’est l’EPCI qui agit ».
Michel Bisson, Président de l’agglomération Grand Paris Sud, considère qu’il faut revoir la « fabrique de la décision » pour davantage associer les collectivités locales. Cela sous-entend une nouvelle posture de l’État moins stratège mais davantage garant de ses prérogatives : « il ne doit pas s’occuper de tout, nous avons besoin d’un état entrepreneur ».
S’en est suivi un débat durant lequel Michel Bisson a souligné que la transition écologique sera brutale ; c’est pourquoi elle doit être écologique et sociale face au risque de devenir anti-démocratique.
Grégory Doucet a rappelé que les citoyens sont en attente malgrè l’extrême richesse du tissu associatif. Pour lui, les citoyens sont dans un état « d’éco-anxiété » qui touche massivement les classes populaires rappelant lui aussi l’enjeu social.
Pour Nathalie Appéré, il s’agit donc de relever les défis avec méthodes mais surtout dans une nouvelle gouvernance plus horizontale.
La conclusion de ces rencontres nationales de France Urbaine a permis à Jean-Luc Moudenc, Maire de Toulouse, de rappeler que les Métropoles sont les locomotives d’un partage avec les territoires ruraux. Il rappelle également que les technostructures ne doivent pas gouverner, en effet, la culture dominante des services centraux est de ne pas se sentir tenus par les engagements politiques. Il conclut en souhaitant davantage d’état déconcentré et de confiance.