Par Landry LUCAS
Après les attentats, chacun y va de son expertise pour présenter sa solution. Or, peut-on résumer la complexité de la situation à un échec supposé de l’école ? Avant de proposer des solutions, un constat doit apparaître : l’impossibilité d’émettre une réponse simple et unique.
En ce début d’année, nous avons tous vécu un moment. Ensemble. Comme une vaste émotion partagée ; quelque chose d’inexplicable, sans mots. Un élan spontané, ou presque, qui pose pourtant question. Plein de questions. Mais lesquelles au juste ? Qu’est-ce qui nous a réunis ce soir-là ? C’est sans doute la principale difficulté : mettre des mots. Beaucoup d’entre nous se sont réunis, ont marché ensemble mais pour quoi ? Pour la liberté de la presse ? Contre la lâcheté de ces hommes surarmés qui en agressent d’autres ? Pour se révolter contre ce moment où la plume s’est inclinée face à l’épée ? Par indignation, par peur, par colère, par empathie… ou encore avec l’ambition d’une récupération politique ou commerciale ?
Démultiplication des analyses et solutions
Nous ne savons pas mettre des mots. Pire, nous ne pouvons pas mettre des mots, car ce moment a été vécu par tous d’une manière différente. La multiplicité des « Je suis Charlie » et des « Je ne suis pas Charlie » avec toutes leurs justifications ont montré la complexité des réactions. Pourtant, sur toutes les chaînes à toutes les heures de la journée, nous avons assisté à la démultiplication des analyses et des solutions attenantes. Pêle-mêle, le retour du service militaire, un meilleur contrôle aux frontières, le retour de la blouse à l’école ou l’apprentissage intensif de la Marseillaise ont été proposés. Il n’est pas question ici de sélectionner les bonnes ou les mauvaises solutions, départager les vraies propositions des postures et de faire une analyse de plus sur les causes du drame. Cependant il faut faire une remarque : les principales solutions se sont toutes focalisées sur l’action de l’école, des professeurs, des élèves et de leurs parents – à l’image d’un nouveau plan national de financement de l’éducation et des diverses initiatives locales dans les collèges et les lycées. Or, il paraît difficile de trouver un unique responsable. Dans le désordre, on accuse l’école, la prison, internet, l’idéologie soixante-huitarde, le choc des civilisations, les religions, le contexte familial, l’immigration, Charlie Hebdo, la liberté de la presse, le multiculturalisme, la Crise, la police et bien d’autres, multipliant les sources d’amalgames faciles.
En demandons-nous trop à l’école ?
Rappelons les faits : au départ, nous avons des attentats, provoqués par des terroristes qui se disaient agir au nom de leur religion. Des motivations qui apparaissent très loin des cours d’école… Si nous raisonnons logiquement, pour relier attentats et école, nous partons donc d’un postulat intangible : si ces individus avaient été bien éduqués, ils n’auraient pas fait cela. Cela justifie donc d’agir sur les moyens de l’école pour mieux informer, mieux éduqués et faire en sorte que cela ne se reproduise plus. Mais n‘est-ce pas là trop en demander à l’école ? N’est-ce pas là se focaliser sur des solutions illusoires qui n’apporteront que la satisfaction de ne plus voir ça et là quelques cas d’interruption de minute de silence sans empêcher de nouvelles violences ? N’est-ce pas un moyen enfin de dire que le problème est réglé et de passer à autre chose ? Cette réflexion n’apparaît plus que comme un réflexe : sur un problème donné, exposer une solution simple : réformer l’école !
Et demain ?
Le constat le plus objectif est là : nous assistons à notre propre impuissance à formuler des réponses satisfaisantes pour tous. Le moment de liesse silencieuse est passé. Les mots n’ont pas encore qualifié les maux. Victimes de l’urgence, nous nous dispersons en analyses et réponses immédiates dont l’efficacité ne sera peut-être jamais prouvée. Mais nous avons la satisfaction d’avoir répondu (momentanément ?) au « et maintenant ? ». Cependant, il reste une autre question : « Et demain ? ». Si nous subissons encore une atteinte à la liberté d’expression – en espérant qu’elle soit moins violente – qui accuserons-nous ? Les pouvoirs publics de n’avoir pas suffisamment agi ? Les « experts » en tout genre de n’avoir pas su nous expliquer les causes de ce drame ? Les personnels enseignants, de n’avoir pas su faire apprendre la diversité culturelle et les lois républicaines ? Ou encore nous-mêmes, d’avoir su relever la plume face l’épée, mais n’avoir fait que gribouiller ?