« Ambivalente », c’est ainsi que Joël Knoery, chercheur à Ifremer, qualifie la relation de l’Homme au mercure. L’utilisation du métal « vif-argent » (son nom originel) s’est diversifiée/intensifiée au fil des siècles, jusqu’à inquiéter récemment pour ses conséquences écologiques et sanitaires. Une saga contée le 14 février dernier à l’Insula Café (Nantes) à une quarantaine de personnes.
On en trouve dans le nom d’une « chaussure tout aussi brillante que [le] jeu » d’une star égotique du football – le Portugais Cristiano Ronaldo. Mais aussi ballotté dans une fiole à la ceinture d’un orpailleur dans la jungle guyannaise, en général non loin d’un flingue dans son étui. Il est également usité dans le processus de fabrication du PVC, qu’on croise sur tous les chantiers du monde. Longtemps on en trouva même dans des antiseptiques, des médicaments, les thermomètres, les horloges, etc.
« Le mercure il y en a partout à la surface de la terre : dans l’air, la terre et l’eau. Au départ c’est un élément parfaitement naturel et on en trouvera toujours » replace un Joël Knoery intarissable sur le « vif-argent », extrait à grande échelle en lisière des plaques tectoniques depuis le XIXe siècle. « Vif-argent », ainsi baptisa Aristote ce métal pauvre tout aussi brillant d’apparence que physiquement insaisissable (un litre de mercure pèse 13,5 kilos, écouter l’interview ci-dessous). Mercure, sa dénomination léguée par l’antiquité romaine, symbolisa le dieu des marchands et des voleurs.
Une aura se doublant d’une utilisation ancienne qui alla crescendo, selon le chercheur de l’Ifremer : « Les humains utilisent le mercure depuis 5 000 ans, notamment dans la peinture avec l’usage du vermillon. » Si l’on emprunte la machine à avancer dans le temps, « La France est aujourd’hui surtout concernée par l’activité industrielle et l’orpaillage sauvage et artisanal de la Guyane. En effet, pour isoler les paillettes on amalgame avec le mercure. »
Maladies neurodégénératives
Reste, que sur une planète où « Les teneurs dans les organismes ont été multiplié par dix ou par 20 en 150 ans », l’Hexagone reste finalement peu touché par la pollution environnementale au mercure. « Soit on la voit pas, soit on ne veut pas le voir, par ce qu’il y a un manque d’études sur le sujet » nuance Joël Knoery – « On ne veut pas le voir » tranche sans hésiter un spectateur dans la salle.
Depuis 2002, l’Anses alerte par exemple dans différentes études sur la dangerosité de l’ingestion de méthylmercure à haute dose, principalement par le biais d’une surconsommation de poissons contaminés. Le risque ? Le développement de maladies neurodégénératives : Alzheimer, Parkinson, sclérose en plaques, maladie de charcot, de Minamata, etc.
Le 16 août 2017, est entrée en vigueur la Convention de Minamatat sur le mercure, tirant son nom d’une catastrophe sanitaire qui débuta au Japon dans les années 1960 (écouter l’interview ci-dessous). Signée par 128 pays, dont la France, elle a pour but de minimiser l’utilisation du mercure. Signe de cette prise de conscience collective, Joël Knoery conclu son exposé par des prélèvements capillaires dans le public, pour déterminer les taux de concentration en mercure. Les volontaires furent nombreux (une quinzaine) et les résultats seront connus au printemps prochain.
Par Thibault Dumas, journaliste.