De Nicolas Bouzou et Julia De Funès
Publié aux Éditions de l’Observatoire
L’Entreprise, lieu de travail et de production, mais aussi de prise de risque, d’innovation, de convivialité , tels sont les traits dont on l’affuble aujourd’hui. Face à la complexité de son environnement, on attend d’elle une grande capacité d’adaptation. La convergence du Numérique, de la Robotique, du développement de l’Intelligence artificielle exigent qu’elle soit flexible, tournée vers l’avenir et capable de donner du sens à l’action de ses collaborateurs ! Correspond-elle toujours à cette image ?
Les auteurs de l’ouvrage, La Comédie (in)humaine, n’adhèrent pas réellement à cette présentation.
Julia de Funès, Docteur en Philosophie, dirigeante du Cabinet Conseil en philosophie « Prophil Conseil », défend l’idée qu’il est important d’enseigner la philosophie pour combattre les idées reçues dans le grand public, mais aussi dans le monde de l’entreprise. Elle ne veut pas critiquer systématiquement l’Entreprise, mais l’observer et tourner en dérision ce qu’elle peut avoir d’absurde parfois. Elle a publié en mars 2017, « Socrate au pays des process ».
Nicolas Bouzou, essayiste libéral, a été analyste en chef de l’Institut de prévisions Xerfi. Il est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages, dont « Le travail est l’avenir de l’homme ».
La Comédie (in)humaine est une « croisade » contre ces entreprises rigides, à l’organisation et au management dépassés. Les auteurs dénoncent pèle mêle ces idéologies mortifères : la dictature des process, l’inflation des réunions, l’absence de finalité affichée, l’égalitarisme, enfin cette idéologie du bonheur qui veut en faire la condition du travail, alors qu’il devrait être la conséquence d’un travail qui a du sens !!
C’est un essai « iconoclaste » dans lequel ils passent en revue tous les maux du management contemporain. La critique est forte contre ce modèle managérial des grandes organisations dont la recherche de plus en plus d’efficacité a abouti à un système bureaucratique et taylorien. Cette entreprise qui parle du bonheur, oublie la convivialité. Pour ses collaborateurs, le sens reste opaque, l’innovation est « définalisée ». Cette entreprise s’insurge contre la société qu’elle estime à l’arrêt, mais participe à cet engourdissement.
Philosophes acharnés de la libre entreprise, ils veulent retrouver un véritable management qui redonne sa place au courage et à l’autorité. Ils proposent, entre autres, une diminution de 50% du temps passé en réunion, le développement du travail à domicile, l’allègement des normes et l’encouragement à l’autonomie des salariés. Ils déclarent qu’il est urgent de laisser les collaborateurs s’organiser librement, leur faire confiance, les laisser exprimer leur intelligence critique et ainsi leur permettre de redonner du sens à leur travail. Enfin une partie de leur ouvrage est consacrée à la formation professionnelle. Ils prônent l’abandon des formations inutiles et la mise en place de formation en humanité.
On peut regretter que la partie de l’ouvrage consacrée aux quinze propositions qu’ils présentent pour améliorer l’efficacité ne soit pas développée davantage. La part des constats est privilégiée, et même s’il est sain de rappeler ces errements, on pouvait sans doute passer plus rapidement aux préconisations, surtout que ces dernières sont à contre courant de beaucoup d’idées reçues. Mais c’est un ouvrage décapant, qui démythifie les concepts d’un management convenu, assénés depuis des années, en les confrontant aux réalités.Un ouvrage à lire par chacun d’entre nous, en réfléchissant à sa propre pratique managériale, et en pratiquant une saine auto-critique, si nécessaire.
Enfin saluons Julia de Funès, « philosophe militante », combattant les idées reçues dans la société et dans l’entreprise, et pour laquelle « la philosophie aide les individus en éclairant le sens de leur réalité. On se sent mieux parce que l’on comprend. Mieux comprendre, c’est moins subir ».
Par Jacques CROCHET