Article de Sylviane Bourgeteau

Post-attentats : déni, peur ou vigilance accrue ?

Soyons réalistes, les attaques ne vont pas cesser. Pire, elles sont capables d’être maintenant organisées, simultanées et parfaitement exécutées dans toute leur horreur. Soyons réalistes, nous ne sommes pas dans un « état de guerre » conventionnelle mais de « sale » guerre[1].

Et cette « sale » guerre a commencé en France voilà 30 ans, en 1986 lors de la vague d’attentats à Paris perpétrés par le Groupe Fouad Ali Saleh puis en 1995, où huit attentats attribués au GIA, Groupe islamique armé, ont fait 8 morts et 200 blessés.

Depuis la liste s’est allongée[2], le nombre des victimes a augmenté et la fréquence des attentats et des attaques s’est intensifiée : 2 en 2008 ; 1 en 2011 puis 7 en 2012, 2013 et 2014 et près de 20 attentats en 2015. Et combien d’autres ont été déjoués sans que l’opinion publique n’en ait été informée?

Le virage du 13 novembre

Lors des attentats du vendredi 13 novembre, il n’était pas question d’otages comme la presse l’a évoqué à tort pendant tout le week-end et encore moins de négociations.

Ces attentats nous ont démontré qu’à présent des terroristes suffisamment entraînés (et non quasi spontanés comme auparavant) pouvaient agir sur notre territoire et que leur objectif était simple et triple : attaquer au cœur de notre espace quotidien et non des symboles, massacrer le plus grand nombre d’entre nous et mourir en martyr.

Quelle protection, quel bouclier, quel rempart et quelles stratégies adopter pour se prévenir et se défendre de ces attentats suicidaires ?

Les réponses sont aux mains de nos dirigeants, des services de sécurité intérieure et extérieure et de tous les services policiers et militaires de maintien de l’ordre et de la justice.

Accepter la réalité

Mais nous ? Nous, les nouvelles cibles privilégiées de ces attaques : Que pouvons-nous faire ?

La grande majorité des Français, va devoir sortir du confort de son déni, de son monde de «bisounours» (c’est là-bas, c’est virtuel, c’est à la télé), ou de l’émotion au coup par coup au fil des attentats et comprendre enfin qu’en Syrie, au Kurdistan, au Liban, en Irak ou autres contrées lointaines, nous avons tous en commun un même dénominateur : la folie de Daesh.

Hormis pour ceux qui prônent le raisonnement fataliste selon lequel «si mon heure est venue, je ne pourrai rien y changer», nous allons devoir prendre réellement conscience de notre nouvelle réalité et apprendre à vivre avec une vigilance  individuelle et collective accrue de ce qui nous entoure sans céder à la panique ou tomber dans l’hypervigilance[3].

Comprendre qu’un sac ou une valise laissée sans surveillance, qu’une voiture mal garée et sans chauffeur ou toutes autres situations anormales ou personnes suspectes peuvent être autant la conséquence d’une grande désinvolture, une désinvolture devenue aujourd’hui inacceptable, qu’une anomalie propre à une préparation ou une tentative d’attentat[4].

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Cet été, alors que le fest-noz au château des Ducs battait son plein, une personne est arrivée, a déposé son sac à dos contre un des bancs où se trouvaient des dizaines de personnes puis, sans un mot, a aussitôt disparu dans la foule. Le service de sécurité a été prévenu, a compris la situation, l’anomalie, mais les organisateurs, eux, ont mis plus d’une demie heure avant de réagir et d’émettre enfin un appel depuis la scène. Alors la même personne est réapparue, outrée, offensée et fâchée qu’on l’ait embêté pour si peu. Entre elle et le personnel de la sécurité qui tentait de la raisonner, c’était un dialogue de sourds. Un dialogue entre des hommes formés à l’éventail des risques sécuritaires et un citoyen, qui certainement regarde les JT et lit la presse, mais qui était incapable ou refusait d’envisager que le pire puisse arriver dans sa sphère personnelle.

S’unir comme un seul homme

Au Cameroun où le maître-mot est « s’adapter », un infirmier témoigne «Pour gagner la guerre contre les Boko Haram, il faut la mobilisation de la population, notamment en matière de renseignement. Tout Camerounais, tout être vivant, doit agir ainsi, collaborer. Cette guerre contre le terrorisme est l’affaire de tous et c’est tous ensemble, unis, que nous gagnerons. Cela peut bousculer nos comportements, nos façons de faire effectivement.»[5]

A l’instar de ce pays africain, en France, nous allons devoir devenir plus responsables, moins insouciants et accepter que nous vivons dans une période de «sale» guerre  qui nous pousse à intégrer des mécanismes de vigilance tout comme quand nous vérifions qu’aucune voiture ou moto n’arrive lorsque nous traversons une rue, pour ne pas être renversé, blessé ou peut-être perdre la vie. Nous le faisons par automatisme sans pour cela nous projeter le film de l’accident à chaque fois que l’on s’engage sur un passage piéton ou en voiture à un rond-point !

Mesures-de-prevention-contre-le-terrorisme-renforcement-de-la-vigilance_largeNous allons devoir faire de même dans des situations inédites de possibles dangers, à caractère terroriste, sans «psychoter ». Pousser notre conscience individuelle et collective, notre civilité et notre esprit citoyen d’un cran, et si nous avons un doute quasi certain, ne pas intervenir car nous n’y sommes pas entraînés mais oser et se permettre de prévenir les vigiles, le personnel de sécurité, ou bien les autorités.

Nombre d’entre nous confondent l’acceptation de ces nouveaux mécanismes avec une entrée en panique. Et ils les refusent en les assimilant à une dérive dans la peur. C’est une déplorable confusion et une grande erreur ! Notre vigilance accrue pourrait elle aussi parfois déjouer des tentatives d’attentats.

Nous maintenir dans le déni, l’insouciance ou le fatalisme ne nous protègera pas et ne fera que faciliter la tâche funeste de ceux qui nous attaquent de manière indiscriminée.

Par Sylviane Bourgeteau

[1] Actions entreprises hors de tout cadre légal ou déclaré, de harcèlement, d’embuscades, d’attaques surprises, sans front, ni zone d’affrontement, sans respect des règles de guerre ou du Droit humanitaire international, dirigées sans distinction contre les autorités comme les civils, etc.
[2] Chronologie des attentats perpétrés en France.
[3] État d’écoute sensorielle exacerbée, accompagnée d’un comportement anormal à la recherche de signes menaçants (environnementaux).
[4] VIGIPIRATE Attentat : les réflexes à adopter
[5]
Vivre avec le terrorisme dans l’Extrême-Nord du Cameroun