Les élections européennes du 26 Mai, pourtant si proches, mobilisent assez peu les médias, concentrés sur les derniers faits divers politiques et sociétaux. La discrétion qui entoure la diffusion des différents programmes des candidats, les incertitudes autour du Brexit, et l’absence d’efforts pédagogiques depuis de longues années pour « expliquer » l’Europe, ne contribuent pas à entraîner vers les urnes des citoyens français déçus par l’Europe, et qui n’ont plus confiance dans ses institutions.
L’Europe face à ses critiques
Face à un ensemble de critiques envers l’Europe, il est légitime de se demander comment en est-on arrivé là ? Une désillusion qui peut s’expliquer par plusieurs facteurs représentant les principaux défis des prochaines élections européennes. Tout d’abord une intégration économique privilégiée, au détriment d’une harmonisation sociale et d’une mise en avant de valeurs communes. Ensuite, l’intégration de nouveaux pays qui s’est faite beaucoup trop rapidement, fût source de déséquilibres et de blocages. Nous constatons alors une solidarité fragile entre les éléments d’un ensemble disparate. Une Europe qui ne protège plus, contrairement aux promesses : chômage, vie chère, délocalisation, immigration mal contrôlée sont les maux auxquels sont confrontés la plupart des européens…
Plus globalement, nous sommes face à des Institutions européennes trop complexes, opaques, éloignées des préoccupations quotidiennes des français. L’Europe, ce devait être l’union, la puissance. Aujourd’hui, elle ne pèse pas suffisamment au plan politique et économique face aux États Unis, et à la Chine. Elle représente pourtant 15 % de la population mondiale, soit un marché de plus de 500 millions d’habitants. Mais c’est aussi un vieux continent chargé d’histoire, ce qui en fait sa richesse et sa culture, mais aussi ses freins et ses difficultés à croire en son avenir.
Il peut donc paraître simple d’être eurosceptique, de taxer l’Europe de tous nos maux, et de se laisser séduire par une forme de repli identitaire, en l’absence de véritable projet politique européen. Mais à l’inverse, imposer toujours plus d’Europe, sans demander l’avis des peuples, ne pas entendre leur demande d’identité, de sécurité, de souveraineté conduit à un décrochage des citoyens européens qui se sentent oubliés !
Comment redonner espoir dans une institution si décriée ?
En réaffirmant que faire l’Europe, car elle reste à faire, c’est se construire un destin commun. Comme l’affirme Hubert Vedrine dans son dernier ouvrage « Sauver l’Europe », il faut que les peuples européens se retrouvent à travers un projet européen qui réponde à leurs attentes. Il faut clarifier les rôles et répondre à la question concernant la valeur ajoutée de l’Europe : arrêter la « surréglementation », se concentrer sur des domaines bien définis, laisser le reste des décisions aux États, soucieux de leur souveraineté.
L’Europe s’est sans doute trop rapidement élargie en voulant garder des règles qui convenaient bien au noyau réduit et homogène de départ. En intégrant trop de pays sans avoir défini une ligne politique suffisamment claire, sans révision de sa gouvernance – en particulier une Commission Européenne omniprésente dans les décisions – en ont fait une institution dirigée, aux yeux des citoyens européens, par des technocrates sans véritable projet politique mobilisateur. Le rôle du Parlement Européen, représentant lesdits citoyens, paraît encore bien faible jusqu’à présent.
L’un des grands enjeux auxquels doit répondre l’Europe est notamment de s’affirmer comme une véritable puissance face à la Chine et aux États-Unis. Elle doit se projeter dans l’avenir, tous les pays d’Europe unis, pour faire face à une mondialisation qui ne laissera aucune chance à des pays isolés et repliés sur eux mêmes. Les intérêts individuels de certains pays ne pourront donc pas être privilégiés.
Elle doit pouvoir également répondre à des questions aussi importantes que les limites de ses frontières, la poursuite ou non de l’intégration, la défense de l’environnement, une véritable politique de défense, les transformations de sa gouvernance avec un Président élu et un Parlement efficace.
Assurer une réelle coordination des politiques économiques et sociales en veillant à instaurer une fiscalité commune sur les entreprises mais aussi une mutualisation des dettes avec une vraie solidarité budgétaire sont des axes majeurs à concrétiser. Il est sans doute peu efficace de vouloir imposer une politique économique unique à des pays aux stades de développement très différents. Aussi cela justifie de maintenir la zone Euro sans l’élargir, mais avec des accords de coopération variables.
Les dossiers sont ouverts !
Le Brexit à travers des négociations difficiles avec notre partenaire britannique doit contribuer à resserrer les liens entre l’ensemble des membres de l’Union Européenne, et à réaffirmer une vision commune de l’avenir.
Est-il utopique de rêver d’une Europe unie, avec des institutions décisionnaires démocratiquement élues, s’inscrivant dans un projet mobilisateur, exigeant mais porteur de développement et d’espoir pour les jeunes générations ? C’est à une véritable refondation qu’il faut s’attaquer ! Les élections du 26 mai doivent être le coup d’envoi d’une mobilisation de tous ceux qui croient à la force d’une véritable union politique, dans un monde libéral financiarisé.
L’Europe à construire a besoin de nous, de notre courage lucide, de notre énergie, et de notre confiance en l’avenir.
Par Jacques Crochet