Pur produit de la haute fonction publique française, Selma Mahfouz a coordonné le rapport de 232 pages « Quelle France dans dix ans ? » remis au Président de la République François Hollande en juin dernier. A l’invitation de l’Institut Kervégan, la commissaire générale adjointe de France Stratégie (longtemps appelé Commissariat au plan) s’est rendue à l’école de commerce Audencia de Nantes le 27 novembre dernier, pour en tracer les grandes lignes et… répondre aux critiques.
Selon des données rendues publiques fin novembre par l’OCDE, les dépenses sociales représenteraient 32,4% du PIB de la France en 2014. Un pourcentage record à l’échelle européenne, mais comparable à ceux de la Belgique, du Danemark ou de la Finlande. « Comment réduire la dépense publique sans casser le modèle social français ? », voilà précisément l’équation à résoudre selon Selma Mahfouz, commissaire générale adjointe de France Stratégie. Avec une première inconnue, le degré d’appropriation ou de rejet par les citoyens des réformes envisagées sur une décennie.
Madame Mahfouz plaide par exemple pour une « économie de mouvement, plus ouverte sur la mondialisation », mais s’appuyant sur les 20 débats qui ont nourris le rapport, elle constate dans le même temps que « la croissance ne fait plus consensus, entre ceux qui pensent que : c’est une illusion du passé, qu’elle n’est pas souhaitable ou qu’elle ne reviendra pas pour eux ».
« Robinet d’eau tiède »
La projection dans un avenir commun serait « entravée » par une société de plus en plus fragmentée. De ce point de vue, le rôle des collectivités locales est primordial selon le bras droit de l’économiste Jean Pisani-Ferry, « un des enjeux, est que la croissance des grandes métropoles régionales entraîne l’ensemble des territoires, notamment ruraux et périurbains ». À titre indicatif, sur la décennie 2000-2010, 14 métropoles françaises réalisent 51% du PIB hexagonal avec une croissance moyenne de 1,6% par an contre 1,1% pour l’ensemble du territoire.
Selma Mahfouz, élargit son analyse à la puissance publique dans son ensemble : « Il faut des institutions fortes qui créent de la cohésion et des services publics qui assurent l’égalité effective ». Faire mieux avec… moins de moyens en fait, « Il y a un seul domaine dans lequel nous préconisons une augmentation des dépenses publiques : la petite enfance » avance t-elle. Contradictoire ? « Un robinet d’eau tiède » analyse un auditeur qui souhaite qu’on aille plus loin dans les réformes fortes.
« La société doit se réformer, l’État aussi » répond, impassible, la n°2 de France Stratégie qui appelle à « une démocratie de la responsabilité et une clarification des compétences à chaque échelon ». Dans la salle, une spectatrice attentive fait part de ses doutes : « si lors de consultations publiques [comme celles liées au rapport, ndr] ; vous venez nous voir pour entériner des décisions déjà arrêtées, ne venez pas nous voir ». La résolution de l’équation ne fait que débuter…
Par Thibault Dumas, journaliste.