Article Neswletter été 2020

Télétravail : Un peu beaucoup, passionnément…

Par Stéphane BIS, Directeur technique, maîtrise d’ouvrage SEMITAN et adhérent IK.

 

« Télétravailler autant se faire que peut », subitement le COVID 19 a fait entrer de très nombreuses entreprises dans une transformation profonde auxquelles peu étaient totalement préparées.

Quelques mois auparavant à peine paraissaient les premières « charte du télétravail » qui visaient à encadrer autant que possible cette nouvelle approche de la relation au travail. Les débats étaient alors vifs au sein des entreprises, si certains appréhendaient positivement la transformation que le télétravail pourrait apporter à leurs entreprises, la méfiance restait de mise chez beaucoup d’autres, l’ordinateur ou le téléphone portable étaient alors encore un avantage en nature, presque un privilège… Mais tout cela était le « monde d’avant ».

Cette expérience du télétravail forcé fut un formidable révélateur des besoins de transformation de nos entreprises, mais maintenant que La ministre du Travail a indiqué que “le télétravail n’est plus la norme”, que faire de cette expérience ? La généraliser, la garder à petite dose, l’encadrer ? Ces débats font rage dans les entreprises entre l’euphorie de ses partisans et la crainte de certains managers « vieux jeux ». « Vieux jeux » vraiment?

Environnement et aménagement du territoire

Difficile de contester l’atout a priori formidable du télétravail sur l’environnement. Il y a trente ans déjà avant même internet, la DATAR mettait en avant son intérêt. D’abord, réduire les déplacements et par voie de conséquence la saturation des axes de déplacement et transports en commun aux heures de pointe, une opportunité pour réduire notre empreinte carbone (à pondérer des émissions générées par les quantités phénoménales de données numériques échangées). Mais aussi, réduire les tailles des bureaux, véritable potentiel d’économie pour nos entreprises. Mais encore, opportunité de repenser l’aménagement du territoire pour redynamiser certains territoires désertés. Sur ce dernier point, des réserves pourraient toutefois être apportées au regard d’un risque d’un nouvel étalement urbain non contrôlé.

Efficacité opérationnelle

Élément cardinal de la stratégie des entreprises : L’efficacité opérationnelle. Nous aurions trouvé avec le télétravail la martingale ! Heureux chez eux, sans le stress des déplacements quotidiens, jamais perturbés par les collègues bavards ou par les discussions informelles autour de la sacrosainte machine à café, nous atteignions une productivité inespérée.

Un nouveau stress ?

Et voilà nos domiciles transformés en magnifique bureau. Il n’y a plus d’horaires de travail, un dernier mail avant de se coucher… Plus besoin de demander « à quelle heure rentres-tu ce soir? », nous ne partons plus…

La frontière entre les espaces professionnels et personnels s’estompe doucement mais irrémédiablement. Plus de plaisir de se retrouver puisqu’on ne s’éloigne plus ! Les deux mois d’expérience forcée du télétravail sont certainement insuffisants pour évaluer les conséquences de ce nouvel état de fait.

Pas toujours simple de télétravailler avec son chat à la maison ! (Photo S Bis)

Et le collectif ?

Reste une question essentielle, quelle place pour le collectif dans une entreprise ou les employés se retrouvent « atomisés » ? « seul on va plus vite, ensemble on va plus loin », nous connaissons tous ce juste proverbe. Certes le télétravail permet des échanges collectifs à distance via de formidables outils. Mais qu’en est-il de l’informel, des interactions sources extraordinaires de créativité et d’enrichissement collectif ? Une entreprise peut-elle durablement se passer de sa principale source de créativité?

Au-delà, se pose aussi la question du vivre ensemble, certes le café partagé n’est guère productif mais les moments informels, les temps collectifs n’enrichissent-ils pas le « vivre ensemble » et le plaisir de partager une aventure commune ? Quelle place pour les apartés et l’humour en réunion vidéo ? Atomisée l’entreprise de risquerait-elle pas de perdre in fine son unité et son sens?

Prospectives – tous des robots ?

Beaucoup prédisent que des robots remplaceront bientôt nombre d’emplois aux taches normalisées et encadrées par des processus solides et répétitifs. Plus besoin de service paie, de comptables, … Les robots le feront tellement mieux. Dans un certain sens, par son efficacité à conduire ce type de tâche, le télétravail n’est-il pas une étape de cette évolution dans laquelle le travailler ensemble perdrait peu à peu son intérêt?

A plus court terme, si le télétravail démontre toute son efficacité, ne risque-t-il pas de susciter des idées d’externalisation de certaines fonctions vers des zones à bas coûts?Nombre de ceux qui plébiscitent le télétravail pourraient aussi se poser ces questions?

Égalité – Cols blancs, cols bleus

L’égalité est un des trois piliers de notre nation. Le télétravail pourrait mettre à mal se principe. Avons-nous tous les mêmes conditions pour l’exercer à nos domiciles, indiscutablement non ? Pour certain le domicile peut devenir un magnifique espace de travail pour d’autres certainement pas.

Il reste aussi ses millions d’emplois pour lesquels le télétravail reste (toujours) impossible : Les désormais célèbres « premiers de cordées ». Pour eux le télétravail restera une illusion lointaine. Comment vivront-ils durablement de voir leurs managers ou les services supports éloignés de leur entreprise notamment les lundis et vendredis? A l’heure du télétravail, le maintien de la cohérence et de l’équité du socle social de l’entreprise pourrait être un défi bien plus important qu’il n’y parait.

Alors que fait-on ?

Même si le télétravail ne serait plus la norme, comment imaginer un total retour en arrière. Le télétravail va durablement s’installer dans toutes les entreprises. En France, nous aimons encadrer, mettre sous processus. La tentation est donc grande de recadrer le télétravail, cela est même peut-être souhaitable.

Il convient donc d’imaginer une façon de concilier subtilement tout ce qui est évoqué ci-dessus, la tâche est ardue.

Pour aller plus loin…

 

Article  The Japan Times :« Fujitsu to halve office space in push for remote work amid pandemic »