Rail, route, air, mer… pas un tronçon de transports publics n’est ménagé par des changements technologiques incessants et des contraintes financières toujours plus serrées. Quel (nouveau) modèle peut t-il en naître ? Alain Boeswillwald, Directeur Général de la Semitan et Yann Leriche, Directeur de la performance de Transdev, étaient invités à y répondre le 12 septembre devant une quarantaine de personnes.
C’est une voiture sans conducteur, dont le châssis fixe sort de l’usine et l’habitacle modifiable est relié à une imprimante 3D. On peut y installer un salon de coiffure pour une coupe, ou y accueillir un mini laboratoire pour effectuer une prise de sang. Divagation ? Non, hypothèse de travail, esquissée par Yann Leriche, directeur de la performance de Transdev (voir encadré), « l’imagination est sans fin, ce n’est que le début ».
En attendant, les mobilités ce sont des impondérables en héritage. Un marché gigantesque déjà, 358 milliards d’€ de dépense totale en 2014 en France, soit 16,7 % du PIB. Avec la route encore largement majoritaire, au-delà des trois-quarts. Dans cette masse, les transports publics demeurent « une industrie lourde, de main d’œuvre, où les gains de productivité sont historiquement durs à faire », selon Monsieur Leriche, renvoyant à la loi de Baumol.
À la reconquête de l’espace
Pas forcément un désavantage pointe Alain Boeswillwald, directeur de la Semitan (Société d’économie mixte des transports en commun de l’agglomération nantaise, voir encadré également) « Il y a une réalité managériale : au bout du bout il faut mettre un conducteur dans chaque tramway ou bus. On a donc une relation directe avec le client, ce qui est très fort et utile ». Techniquement réalisable à moyen terme, le tram automatique ne serait par exemple concrètement pas souhaitable dans un espace public partagé.
L’innovation, « indispensable » pour pérenniser le transport public passe par le service inventif plus que par le matériel roulant. Nous en sommes aux balbutiements de la Mobility as a Service (MaaS) individualisée. Chercher, réserver, payer et réaliser un trajet avec plusieurs moyens de transports est expérimenté au niveau local, avec la carte OùRa! à Lyon et plus modestement Libertan à Nantes. Pas encore à plus grande échelle, de manière pérenne.
Pour Alain Boeswillwald, « il s’agit désormais d’améliorer le maillage de notre offre, avec des relais innovants, plutôt que l’étendre ». Concrètement, le temps n’est plus aux grands travaux mais à l’adaptation au plus près à l’usager/client/voyageur. Un nouveau calendrier de la Tan, désormais adapté aux pratiques relevées aujourd’hui. Des voitures autonomes demain, dans une logique de flotte collective et non plus d’achat individuel, qui prennent le relais au terminus d’une ligne.
Innovation par le bas
« Comment une entreprise avec la taille et l’inertie de Transdev peut-elle vraiment innover à son niveau? », s’interroge à voix haute, un participant. « Honnêtement, nous ne pouvons pas le faire seuls, répond Yann Leriche. C’est pour ça que nous investisons dans des sociétés d’économie mixte comme la Semitan [à hauteur de 14,99 % dans ce cas, ndlr] ou misons sur des start-ups ».
En décalcomanie de General Motors, géant étasunien de l’automobile qui a injecté 500 millions d’$ dans Lyft, principal concurrent d’Uber. Des marchés ouverts, libéralisés, théâtre de chamboulements tout autant que d’incertitudes, à mille lieux du demi-siècle d’exploitation minimum qu’ouvre la construction d’une ligne de tramway. L’objectif ? «Devenir leader de la mobilité », pas d’un moyen de transport isolé.
Un cheminement loin de lever tous les doutes. « Votre postulat économique de départ, ne prend pas en compte les externalités, comme l’impact sur l’environnement ou la santé », peut-on entendre dans la salle.
Par Thibault Dumas, journaliste.