Mais non, voyons, il ne s’agit pas d’une réforme de l’assurance vieillesse, ni d’une contribution au cahier des seniors de l’Institut Kervégan. Non PP c’est l’acronyme de cette insulte délétère à l’intelligence appelée Principe de Précaution. PP dévore tout, libertés, égalités et fraternités. Et responsabilités. Le législateur avait, le simple bon sens ne suffisant pas, commencé par créer l’intime conviction, l’obligation de connaître la loi, et dans la foulée tout un tas de lois tellement complexes qu’être citoyen consiste depuis à se sentir coupable de crimes non détectés, mais ne demandant qu’à l’être. Le procès d’intention est ainsi devenu un mode de fonctionnement normal. Dans un même élan de confiance en son prochain, a été créée ensuite la norme. Protéger le faible était le prétexte, mais la réalité était le protectionnisme. Plus besoin d’avoir le meilleur produit. Il faut juste qu’il soit aux normes. Emporté par une verdeur suspecte, le législateur a créé non pas une ou deux normes, mais un vrai déluge de normes en tous genres. Et comme ça ne suffisait pas à bloquer toute entière la société, il a fini par PP, une sorte de chant du sigle, une frilosité frénétique.
Pour justifier PP, en lutte avec l’intelligence servie par l’éducation et l’évaluation, tellement plus séduisantes que lui, il faut invoquer les plus nobles principes, de ceux qui sont supérieurs à tout règlement. Ethique, intérêt supérieur de la nation, de l’espèce, de l’univers, sont devenus des incantations lancinantes psalmodiées à fins de bourrage de crâne par les grands maitres de nos destinées et relayées par les médias avides de frayeurs à répandre. Du coup PP est auto-déchargé de toute responsabilité. Le siècle, par crainte du vide, a trouvé sa règle, le cléricalisme administratif.Au service de qui était donc la belle éthique lors du massacre des vaches et des moutons jetés à la benne à ordures, les yeux révulsés de terreur, les images des corps livides empilés rappelant irrésistiblement d’autres horreurs indicibles qu’on croit parties mais qui reviennent sans fin. De quel crime atroce autre que celui d’appartenir à la filière agro-alimentaire ont été accusés ces autres vivants, nos frères à quatre pattes, pour voir leur vie inestimable gaspillée? Heureusement nous avons oublié nos origines animales…alors la souffrance n’est pas universelle. Et ceux qui les ont empoisonnés, qui portent l’entière responsabilité de ce crime contre le vivant, PP dans sa magnanimité les a absouts. Sans doute un moment d’inattention car la vraie manière d’éviter que çà recommence aurait été de sanctionner durement et d’empêcher définitivement de nuire. Mais non, PP est très magnanime, surtout avec les puissants quand ils ont répandu le sang contaminé un peu partout, quand ils fabriquent des cigarettes à la fraise pour intoxiquer les enfants, ou tapissent les murs de la ville pour vanter l’alcool et ses mérites.PP est aussi un adepte de l’éthique floue quand il passe des années à vérifier l’innocuité de traitements dont on espère qu’ils vont sauver des patients lesquels tombent en rangs serrés pendant ce temps là. Si le médicament est efficace, l’éthique, la vraie, serait de le mettre à disposition de ceux qui souffrent, le plus vite possible, ce qui en réduirait aussi le prix. PP est aussi, impayable, avec la traque au radar imprécis du conducteur de voitures, toujours plus puissantes et rapides, alors que celui-ci est captif de moyens de transports publics déficients ou inexistants, tout en étant soumis au chantage à la productivité. PP a-t-il essayé d’aller à Guérande en train? En une heure et demie par exemple? Mais pourquoi se priver quand le contribuable a avancé, et sans doute réglé, sans ciller les factures du naufrage aux normes de l’Erika? Heureusement PP sait aussi se mêler d’innover: Quand il n’y a, de mémoire d’homme, aucun décès lors d’une intoxication par les huitres, PP invente sans vergogne : C’est les huitres je les ai pas vraiment vues parce qu’il faisait sombre, mais elles se sont enfuies quand je suis arrivé, c’est bien la preuve… Vivement qu’il empêche les champignons de pousser, PP. Quand la grippe aviaire, une sorte de serpent à plumes, a failli fondre sur les volailles (élevées en batteries dorées, aux normes, à raison de 50 au centimètre carré et nourris aux OGM interdits), PP a imaginé de livrer bataille aussi au chat de la voisine, entre deux gougouttes, guerre qui n’a été évitée de justesse que par la perspective d’élections prochaines. Pour un peu il aurait aussi reconverti la DCA, aussi opportunément qu’obstinément tournée vers l’est, en tir aux pigeons, canards et autres colombes de la paix. A propos de casque à pointe, j’ai entendu dire que PP allait s’attaquer prochainement aux militaires car il paraitrait, mais là ce n’est pas prouvé, que la guerre soit grande pourvoyeuse de malheurs… PP masque son ignorance naturelle, son imaginaire en berne, son incompétence achevée, derrière une arrogance sans faille, raide comme le palais de justice de l’île de Nantes. Il exploite les peurs qui inhibent et érigent les dogmes, qui entravent la liberté, risque ultime d’incontrôle. Mais la marche en avant, bipède, implique la perte volontaire de l’équilibre. Se pencher en avant, librement tendre le cou pour mieux voir, déplace le centre de gravité qui par réflexe entraîne une modification des appuis et la formulation d’un pas. Il faut bien sûr des lois pour protéger les pauvres et les faibles de la cupidité ou de la négligence, mais je vois beaucoup de similitudes entre la production de normes de l’ouest et celle des tanks du pacte de Varsovie: alors que le monde aura changé sans nous prévenir par une nuit sans lune, nous constaterons avec amertume que la norme pleine est non seulement invendable mais aussi immangeable alors que toute notre énergie aura été dilapidée sans précautions en principes incohérents. D’autres, devenus majoritaires, auront simplement décrété: à partir de ce matin – » la norme c’est moi »-, nous laissant pleurer sur les gravats de notre mur de papier.
Le devoir du prisonnier est de s’évader disait un général captif célèbre. Comment imaginer que l’arsenal d’interdits, de barrières, de panneaux plantés en rangs serrés au bord de nos vies, de spots culpabilicitaires, soit sans impact malgré son absurdité ? Lorsque l’ascenseur social est bloqué, lorsqu’on se noie dans l’hémoglobine répandue sur les trottoirs du monde tous les soirs au 20 heures, lorsque le jeune voit sa vie cogner sans arrêt contre les murs, que le seul horizon est une barrière ou un képi, où se trouve l’espoir qui fait vivre? Ailleurs….
PP a mis des barrières aux rêves, par principe. D’un naturel naïf, il s’étonne aujourd’hui des conséquences. Il ne faut surtout pas lui dire que la cause naturelle de la mort, c’est la vie : il pourrait exploiter le filon.