Paru dans la Tribune Libre #12
avril 2007
La campagne électorale donne lieu à toutes sortes de débats, de niveau très inégal. Selon les options de chacun, il y a « à boire et à manger » mais de temps en temps quelques éclairs viennent éclairer les échanges et les tirer vers le haut.
De temps en temps, ça tire aussi vers le bas et parfois vers le n’importe quoi. L’exemple le plus flagrant est celui des machines à voter. À partir de ce qui n’est rien d’autre qu’une grosse calculette, une polémique étonnante s’est développée.
La démocratie serait en danger parce qu’on utiliserait une machine pour décompter les votes. Des complots s’ourdiraient dans les arrières-salles des écoles communales pour trafiquer les résultats. Un parfum sulfureux envahirait les couloirs des mairies et les élus et leurs services seraient soudain soumis aux pires tentations.
Bizarre… Pourquoi un Pays qui utilise des cartes à puce depuis longtemps, qui compte le plus fort pourcentage d’abonnés internet en Europe aurait-il peur d’une simple machine à calculer ? Pourquoi la démocratie serait-elle faussée parce qu’on appuie sur un bouton au lieu de glisser un bulletin papier dans une urne ? De qui dépend la validité d’un scrutin : de l’organisateur ou de la technique d’organisation ?
Bien sur, il y a derrière tout cela la grande peur informatique, celle du contrôle généralisé, de l’interconnection des fichiers… mais alors pourquoi ne pas s’intéresser à ces questions-là plutôt que de reporter le débat sur des machines qui ne sont pas connectées entre elles ? On peut discuter s’il y a réseau (c’est là que se situe vraiment le problème) mais s’il s’agit de machines isolées, pourquoi s’énerver ?
Et pourtant on a vu les plus beaux esprits, et pas les plus anciens, de l’Université (territoire vierge dans lequel le bourrage d’urnes n’a jamais existé…), se draper soudain dans la toge de la vertu républicaine et démocratique pour dénoncer le scandale du siècle.
Passons sur le fait que les fameuses machines sont déjà installées dans certaines communes depuis longtemps et que le sacro-saint isoloir n’est pas la règle partout (en Espagne notamment). Un grand combat contre la machine doit s’engager et nous allons expliquer à nos enfants qu’il faut de nouveau compter sur ses doigts et ranger l’ordinateur.
Détail intéressant : parmi la vingtaine de communes respectives dans lesquelles Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal ont enregistré leurs meilleurs scores (de 70 à 100 %), une bonne partie se situe… en Corse.
Surement un méfait des machines à voter !!!