Quatre personnes, plus ou moins people, autour d’une table débattent de tout et de rien, encadrées par un journaliste plutôt déluré. Ça s’appelle « n’ayons pas peur des mots » et ça se passe sur i-télévision, petite chaîne d’information où tous les présentateurs ont l’air de sortir d’une discothèque. C’est une version « bistrot parisien » du talk-show politique. L’astuce consiste à mélanger des journalistes, des politiques, des publicitaires, des écrivains, des avocats, des médecins, le tout sans préséance particulière.
L’ambiance est sympathique, on s’engueule gentiment, on dit un peu tout et n’importe quoi, on prend des poses… exactement comme au bistrot après la deuxième tournée d’apéro. De temps en temps les réflexions sont astucieuses, pertinentes, parfois c’est brillant et parfois c’est consternant…
Au fil du temps, ce «bistrot parisien» vire pourtant de plus en plus à l’aigre et change peu à peu de nature. Il se limite souvent maintenant à l’exercice classique de la langue de vipère. Selon les quatre invités, de talents très inégaux, le contenu peut s’élever (un peu) dans de vrais débats ou tourner à l’assassinat. Un exemple assez intéressant du complexe de supériorité médiatique a été révélé lors d’une récente émission évoquant l’accord parlementaire UMP-PS à propos du dossier GDF.
Certes, cet accord est ambiguë et relève plus de la basse politique que de l’intérêt supérieur de l’Etat. Mais pourquoi les débatteurs s’en sont-ils pris de manière aussi violente et personnelle au Président du groupe PS, Jean-Marc Ayrault ? Evoquant son cerveau reptilien (tout petit, ont-ils cru bon d’ajouter) nos brillants intervenants ont enfoncé le clou à plusieurs reprises, n’oubliant pas de rappeler, au passage, son ambition de devenir Premier Ministre de Ségolène Royal. Quelle horreur !
La province des culs-terreux au pouvoir ! Peut-on imaginer, vu du plateau d’i-télévision, que la Présidente du Poitou-Charentes puisse gouverner avec le maire de Nantes ?
Bien sûr, ce n’est pas la première fois que cette émission «allume» un personnage public, c’est même la règle du jeu, mais le ton employé à l’occasion mettait mal à l’aise. On peut penser à l’excellent «Ridicule» de Patrice Leconte. Nos brillants aristocrates de la pensée, installés dans le Versailles médiatique, font des bons mots, flinguent à tout va, au chaud dans la bulle. Ils pourraient méditer la maxime (d’un auteur indéterminé, peut-être Bossuet) rappelée par Philippe Meyer, autre personnalité médiatique mais d’un autre niveau, sur France Culture, dans son émission l’Esprit public à propos de la Seine Saint Denis : «le peuple se rit du microcosme qui déplore les effets dont il s’est obstiné à ignorer les causes»